Atelier JDE, “Quel statut pour l’Alsace dans une République des territoires?”

Intervenant·es : Bernard Heyberger - Historien, Cécile Germain Ecuer - Conseillère régionale Grand Est, Alsace, Pierre Kretz - Écrivain alsacien, membre d’Alternative Alsacienne, Ludivine Quintallet - Conseillère départementale écologiste à la Collectivité européenne d’Alsace, Animateur·ices : Nicolas Berjoan, Co-responsable de la commission régions et fédéralisme
Les réformes territoriales menées ces dernières années conduisent à un processus de recentralisation rampante. Or, la décentralisation est nécessaire pour réussir la transition écologique. La fusion des régions de 2015 a créé des structures désincarnées qui ont aggravé la crise de confiance qui touche les institutions. En Alsace, des voix s’élèvent pour réclamer une évolution de son statut institutionnel pour aller vers plus d'autonomie par rapport à la région Grand Est, évolution qui pourrait servir d’exemple à d’autres régions de France.
Bernard Heyberger
L’Alsace appartenait historiquement à l’Allemagne du Sud et avant au Saint Empire romain germanique. Elle connut une longue expérience institutionnelle de décentralisation en tant que “ville libre”, puis en tant que “province réputée étrangère”.La période des lumières ne fut pas très profitable à l’Alsace et notamment par rapport aux langues régionales. La pensée de 1789 met en valeur la nation et l’exigence d’harmonisation sur le territoire. Ensuite, le XIXème était plus favorable aux régions, puis en 1870, l’Alsace est annexée à l’Allemagne. Cette-dernière intègre progressivement le territoire alsacien dans son organisation administrative. En mai 1911, un “Landtag” ou parlement alsacien est créé à Strasbourg. Il s’agit alors d’une entrée progressive dans le système politique allemand. A la sortie de la 1ère guerre mondiale, un mouvement alsacien, “l’autonomisme”, demandait un statut régional, “à l’allemande”, mais une partie de ses membres a finalement adhéré à l’idéologie nazie. Aujourd’hui, la charte européenne des collectivités locales garantit l’autonomie locale précisant que les modifications territoriales nécessitent l’avis des collectivités concernées. Pourtant, en 2016, cela n’a pas été le cas au moment de la création des grandes régions. De façon générale, c’est la question historique, linguistique et démocratique qui pousse à reconnaître les particularités de la région alsacienne.
Pierre KretzEntre la Collectivité Européenne d’Alsace, le Préfet, le Grand-Est, il s’agit véritablement d’un ovni juridique, un total “mille-feuilles administratif”. Il faut absolument arriver à davantage de clarté et de transparence dans les compétences et dans les institutions.
Cécile Germain EcuerLes écologistes qui appartenaient au gouvernement de F. Hollande ont été très surpris en 2016. Ils ont toutefois aujourd’hui des élu.es dans toutes ces instances, il y a des élu.es écologistes notamment à la région. La démocratie, c’est l’expérimentation. Peut-être existe-t-il une modestie alsacienne en raison des “malgré nous” et de la collaboration qui n’existe pas en Bretagne, en Corse, au Pays Basque. Il faut créer et développer un régionalisme de gauche. On accuse les alsaciens d’un repli sur soi? Pourrait-on dire la même chose concernant les kanakys? Un point positif toutefois avec le Grand Est peut s’illustrer dans les coopérations nouvelles entre les régions, cela permet l’échange de pratiques.
Ludivine QuintalletEn 2013, le référendum à propos d’une collectivité unique Bas-Rhin et Haut-Rhin échoue alors que les écologistes y étaient favorables. La Collectivité Européenne d’Alsace a les compétences des départements ainsi que des compétences supplémentaires. Elle assure un chef de file dans le domaine du tourisme, du bilinguisme, des questions transfrontalières. Sur 80 de ses membres, 74 appartiennent au groupe majoritaire, 2 socialistes et nos 4 élu.es de l’opposition. Le Président de la CeA Frédéric Bierry a fait de la sortie du Grand Est, son projet politique, à défaut d'un projet politique en lien avec les compétences du département, collectivité des solidarités. Il instrumentalise la question institutionnelle à des fins personnelles en exploitant le désir d'Alsace des habitants. Les élus d'opposition (dont 2 élus écologistes) se doivent d'avoir un discours clair, des propos forts et distincts de la droite pour faire entendre la seule voix de gauche et d'opposition au sein de la collectivité. Ces élus de gauche sont élus sur le territoire de la ville de Strasbourg, où la question de la pauvreté est prégnante et où les questions environnementales très présentes dans le débat public, en lien avec la municipalité écologiste de Strasbourg. Les habitantes et habitants de leur territoire attendent de leurs élus cantonaux, qu'ils et elles portent les questions écologiques et sociales au sein de la collectivité et dans le débat public. L’Alsace versus 3 C (Cathédrale, Choucroute, Cigogne) n'est pas la vision de l'Alsace qui prédomine dans la population strasbourgeoise. Strasbourg est davantage pour ses habitants, une ville européenne ouverte sur le monde.
Dans le public
Pourquoi Jeanne Barseghian, la maire de Strasbourg a-t-elle signé en faveur du Grand Est? Bien souvent, c’est la politique de la terre brûlée entre les échelons, personne ne se transmet les documents.
La Mairie de Rennes, socialiste, arrive pourtant à concilier social et union avec l’UDB bretonne sans faire d’antagonisme entre régionalisme et social/ paupérisation.
Question de l’arbitrage entre le fait d’agir avec l’existant et ce que l’on souhaite